Textes autour des "Draps Voyageurs" écrits à la bibliothèque le 25 novembre 2016

TEXTE II

Des draps réutilisés pour y écrire ne perdent pas leur blancheur. Ils se couvrent de gesso crémeux pour faciliter la calligraphie et l'auteur Inès Garcia Zuberbühler y dépose des formes en damassé similaires à ce qu'on voit sous la lorgnette d'un microscope.

Ces pans de drap ont perdu leur usage premier. Ils révèlent maintenant des pages entières de livres qui seraient sans doute restés inconnus du lecteur. C'est le texte revisité, réinventé car communiqué. Solides et à la texture serrée, ce sont les draps de la continuité dans la création. L'auteur les a purifiés pour les remettre dans le vent. 

Telle la page blanche, le pan du tissu s'accouple avec le texte de l'autre, lui fait une petite place pour le temps du voyage ou pour toujours.

Fallait-il donc que le texte s'échappe ainsi du parchemin pour aller sur ce bout de tissu? Homère, Michaux, Valéry, Socrate, Barthes ou Borgues doivent être ravis de refaire surface sur ce support insolite!

Chers textes, chère écriture, chers mots souvent mal menés, vous demandez au lecteur de se mettre dans de beaux draps pour vous rejoindre!

 Le beau tissu du drapier d'antan n'est plus qu'un linge froissé au éveil, la couche réparatrice du voyage, l'oublié pendant les 15 heures du jour, le nouveau drap qui vous accueille à bras ouverts, comme si les précédents n'étaient qu'un souvenir lointain, ce drap familier qui borde le mort pour sa dernière sépulture, le drap protecteur par excellence et pourtant éphémère dans la fosse commune..

C'est sur ce drap mortel que j'écris et lis des paroles immortelles, des paroles chuchotées d'une génération à l'autre, des paroles à la mode ou libérées de leur sens originel . Des paroles signées d'un auteur enfoui dans les siècles, qui là devant nous s'approprie le drap, la page blanche pour la souiller, la couvrir de marques qui font sens, se l'approprier en lettres indélébiles.

 Et le drap, lui, solide, délavé, rehabilité, continue sa route et reprend son envol au vent du jardin.

 Maryvonne T.

TEXTE IV

Voyage sur le parchemin...

Couchées sur le papier ou sur le drap, les lettres s'allongent en litanie colorée.

Penchées sur la droite ou alignées en écriture bâton, elles nous entraînent sur le chemin de pensée du créateur.

Une promenade lente et progressive mène le lecteur sur l'itinéraire poétique et sinueux de l'imaginaire collectif.

Le geste calligraphique nourrit le contenu des mots qui courent sur le support tartiné de gesso blanc.

Quelques motifs isolés jaillissent des draps de lin raidis. Leurs contours s'épaississent de pleins et de déliés blanchis.

Le regard du visiteur se laisse emporter par l'évocation d'une clé de sol, d'une tour Eiffel penchée, d'un piano à queue ou d'une cithare, ou encore d'un bassin vu du ciel et de sa chaise de square abandonnée.

Les formes dans les mots, ou les mots mis en formes ?

Le lecteur peut choisir de glisser au fond du drap ou d'en caresser des yeux la surface.

Se blottir tout contre les mots, y retrouver la chaleur tendre d'une mère.

Sur une étagère soigneusement ordonnée, des petits tas de parchemins...De quoi parlent-ils ?

Les bleus, de la mer ? Les rouges, du feu ? Les jaunes, du soleil ? Les oranges, de l'automne ?

Autant de confidences ficelées en fagots colorés abritant les secrets de leurs auteurs.

La page du livre se referme sur les maux de l'histoire.

Odile K.